Commander

Commandez le livre directement en version imprimée via Edubook ici.

Commander maintenant

Téléchargement

SchoolMatters




retour à l'accueil
21 décembre 2021

08 Harcèlement-intimidation et violences entre élèves

Téléchargement

8.4 Reconnaître et agir sur tous les aspects du harcèlement-intimidation

8.4.1 Observation et identification précoce

Les phénomènes de harcèlement-intimidation peuvent se produire n'importe où, que ce soit en classe, en cours d'éducation physique, dans les vestiaires, sur le chemin de l'école, à la récréation, lors d'une discussion, etc. Les observations suivantes sont importantes pour l’identification précoce du harcèlement-intimidation [1]. Notons qu’une composante peut suffire :

  • Communication/interaction entravée : Les élèves-cibles (EC) de harcèlement-intimidation sont systématiquement empêché·e·s de s'exprimer. Ils/elles sont interrompu·e·s, leurs préoccupations ne sont pas prises en compte, des insinuations ou des sous-entendus sont faits à leur égard, d’autres élèves se détournent d’eux/elles, trahissent leurs secrets, etc.
  • Isolement/exclusion : Les EC sont exclu·e·s et empêché·e·s de participer à des activités de groupe. Leurs ami·e·s se détournent de peur d'être eux/elles-mêmes pris·e·s pour cible. Les EC sont souvent exclu·e·s des fêtes (ex. d'anniversaire), des jeux et des travaux de groupe.
  • Moqueries et rumeurs : Des médisances à propos des EC circulent dans leur dos, ils/elles sont ridiculisé·e·s devant les autres (par exemple par un surnom), subissent des moqueries à propos de leur apparence, de fausses rumeurs circulent à leur égard, etc.
  • Violences : Les EC subissent des violences physiques (bousculades, pincements, coups de pieds, etc) ou du racket (de l’argent leur est demandé).
  • Dommages matériels : Les EC se font délibérément endommager ou voler ce qu’ils/elles possèdent. Leurs chaussures/vêtements sont cachés ou détériorés, leurs cahiers et autres fournitures scolaires sont salis ou endommagés, leur vélo/planche à roulettes/etc. est cassé(e), leurs collations sont cachées ou volées par d’autres élèves, etc.
  • Humiliations et menaces : Les EC sont contraint·e·s d'accomplir des actes embarrassants et humiliants et/ou sont désigné·e·s et/ou menacé·e·s pour le faire (par ex. : uriner sur eux/elles, leur faire boire de l'urine, les menacer de violence, dire du mal d’eux/elles en leur présence, etc.).

Souvent, ces actes ne se produisent au départ pas sous les yeux des personnels de l’école et ne font qu'augmenter en fréquence et en intensité avec le temps. Si les actes de harcèlement-intimidation ne sont pas reconnus ou perçus au moment où ils se produisent, la situation ne peut souvent être maîtrisée que par des interventions drastiques et très coûteuses.

Notons que tous les actes, agressions ou violences à caractère sexuel (par ex. diffusion de photos «nudes», sexting, attouchements, etc.) ne font pas partie du harcèlement-intimidation mais du harcèlement sexuel, qui relève du droit pénal et nécessite une prise en charge différente. Vous trouverez davantage de précisions à propos du harcèlement sexuel sur le document suivant.

8.4.2 Intervention précoce

Les différents acteurs scolaires doivent intervenir de manière adéquate dans les situations problématiques décrites ci-dessus. Identifier, reconnaître et évaluer les changements observés et réagir de manière appropriée requiert un œil avisé et une approche systématique. Les trois aspects suivants sont indispensables:
  1. L'école élabore un guide d'action définissant le moment et le type d'intervention ainsi que la collaboration avec la direction d’établissement, les enseignant·e·s, le service de travail social en milieu scolaire, les médiateurs/trices et/ou les autres acteurs des équipes de santé (infirmiers et infirmières scolaires, médecins scolaires, etc.), le service de psychologie scolaire, les parents/tuteurs/tutrices, les autorités et les institutions externes. Un guide d'action garantit une certaine clarté et une sécurité dans les situations difficiles et émotionnelles.
  2. Les acteurs scolaires savent quand les parents/tuteurs/tutrices, les autorités ou les services spécialisés externes doivent être informé·e·s et impliqué·e·s ou sont au courant des aides internes et externes pouvant ou devant être mobilisées en fonction du moment et des observations/incidents. 
  3. Les acteurs scolaires connaissent leur rôle et leur fonction dans l'identification et l'intervention précoces. Par exemple, les enseignant·e·s sont souvent des détecteurs précoces, car ils/elles passent le plus clair de leur temps avec les enfants et les jeunes (en classe, en surveillant les pauses, etc.). Pour leur propre protection, ils/elles doivent connaître et accepter leurs limites personnelles. Cela signifie notamment qu'ils/elles impliquent le travail social en milieu scolaire ou la direction dans la responsabilité et l'intervention à un stade précoce.

Intervention précoce à l’école

Les addictions, la violence et l'exclusion sociale sont présentes dans toutes les écoles, indépendamment de leur taille, de leur population et de la qualité de l’enseignement. Les écoles doivent ainsi prévoir le plus tôt possible des stratégies ou des mesures professionnelles capables de mobiliser les ressources existantes pour stabiliser et améliorer les situations de vulnérabilité des enfants et des jeunes. Prévoir et développer un guide d’action, un plan d’action ou un concept d’intervention précoce permet de développer une attitude commune et une collaboration entre tous les acteurs de l’école pour repérer en amont les élèves en difficulté et mettre en place différentes mesures pour stabiliser et améliorer une situation de vulnérabilité le plus tôt et le plus efficacement possible. Une fois les responsabilités, les procédures et la communication définies, les enseignant·e·s et les autres personnels de l’école prennent confiance en leurs actions et sont rassuré·e·s. Une mise en réseau préalable avec des services spécialisés (par ex. travail social en milieu scolaire, psychologue scolaire, police et autres organismes de conseil) soulage et soutient les enseignant·e·s dans la planification des démarches successives et permet d’orienter les personnes concernées vers des services d'aide appropriés.

La mise en réseau avec des services spécialisés, la formation continue et l’information de tous les acteurs de l’école constituent la base pour identifier et agir dans les situations problématiques.

Des cadres cantonaux spécifiques

La thématique du harcèlement-intimidation est déjà passablement traitée dans toute la Suisse romande. Toutefois, le cadre d’intervention et d’action diffère selon les cantons. Vaud et de Genève par exemple bénéficient de politiques cantonales actives et de démarches formalisées.

Dispositif de prévention et de prise en charge des phénomènes de harcèlement-intimidation entre élèves (Vaud)

Suite à l’élaboration d’un plan d’action en 2015 et dans le cadre d’une politique publique énoncée en 2018, un travail important a été mis en œuvre dans le canton de Vaud pour fournir aux directions d’établissement des appuis et outils pour réagir face aux situations de harcèlement-intimidation et pour sensibiliser les élèves à cette thématique. Par le biais des équipes PSPS, les écoles mettent en œuvre des projets favorisant le vivre-ensemble et permettant de thématiser différentes questions en lien avec les violences et le harcèlement. Les établissements sont également dotés d’équipes d’intervention formées utilisant la méthode de préoccupation partagée (MPP) dans la majorité des établissements scolaires (cf. chapitre 8.4). Dans ce cadre, une capsule vidéo s'adressant à l’ensemble des professionnel·le·s des écoles et des parents a été réalisée afin d'apporter des clarifications terminologiques et théoriques au phénomène de «harcèlement-intimidation entre élèves». Cette capsule présente également quelques chiffres tirés des enquêtes menées sur la thématique et précise les grandes lignes de la méthode de la préoccupation partagée (MPP). 
Plus d’informations ici

 

Dispositif de prévention du harcèlement et du cyber harcèlement (Genève)

Depuis 2019, la plupart des établissements scolaires du canton de Genève sont doté d’un dispositif de prévention du harcèlement et du cyber harcèlement et des connaissances nécessaires pour une prise en charge adéquate des situations de (cyber)harcèlement-intimidation. Il se base sur le Plan d’action et de prévention des situations de harcèlement à l’école rédigé en 2016, articulé autour de quatre axes de mesures spécifiques : Mesurer le harcèlement – Former les professionnel·e·s – Agir en cas de harcèlement – Informer sur le harcèlement. À ce plan d’action correspond un protocole type de traitement des situations de harcèlement à l’école qui donne un exemple des principales étapes d’intervention pouvant être appliquées au sein des différents établissement scolaires. Ce dispositif est axé sur des activités de communication grand public (notamment la mise à disposition de flyers informationnels à l’intention des élèves, des parents et des professionnel·le·s), la formation de tous/toutes les professionnel·le·s concerné·e·s et la mise en place de dispositifs internes à chaque établissement pour la prise en charge et pour la prévention du harcèlement-intimidation (activités pédagogiques, formations complémentaires, etc.). Dans le cadre du dispositif, une bibliographie sélective pour prévenir le harcèlement à l’école (contenus pédagogiques) a été rédigée.
Plus d’informations ici

 

Mesures à prendre en cas de suspicion de harcèlement-intimidation entre élèves

En principe, la règle suivante s'applique : pour une approche adéquate et appropriée, il faut toujours analyser le cas concret individuellement et procéder ensuite méthodiquement en conséquence. Si les blâmes/punitions peuvent avoir un effet contre-productif, des mesures d'intervention non culpabilisantes, informatives, orientées vers les ressources et les solutions sont souvent plus bénéfiques. C’est le cas avec l’approche non-culpabilisante («No Blame Approach») ainsi qu’avec la méthode de préoccupation partagée (MPP) institutionnalisée dans la plupart des cantons romands, qui sont des méthodes d’intervention contre le harcèlement-intimidation.

Méthode de préoccupation partagée (MPP)

La méthode de la préoccupation partagée a été créée dans les années 70 par le psychologue suédois Anatol Pikas. Elle est institutionnalisée depuis plusieurs années dans la majorité des cantons romands. Cette méthode part des postulats suivants:

  • tout·e élève concerné·e de près ou de loin par l’intimidation (y compris les témoins et les autres élèves de la classe) a un rôle à jouer dans l’amélioration d’une situation problématique,
  • il n’y a pas forcément une intention de nuire dans chaque situation de harcèlement-intimidation [2].

La MPP qui se veut éducative plutôt que répressive a pour objectif de briser l’effet de groupe se trouvant au centre des situations de harcèlement-intimidation, en s’entretenant individuellement avec l’ensemble des élèves qui auraient pris part (de manière directe ou indirecte) aux actes d’intimidation. Les témoins ont donc un rôle central à jouer dans cette approche. En parallèle, l’élève-cible de harcèlement-intimidation est accompagné par un·e professionnel·le de la santé.
En mettant l’accent sur la recherche de pistes d’amélioration et de solutions dans une démarche bienveillante et positive lors des entretiens, cette méthode tend à encourager les élèves à se préoccuper de leurs camarades, à vivre quotidiennement dans le respect de chacun·e et améliore le vivre ensemble à l’école. Au cours des entretiens avec les IP et les témoins, les différent·e·s protagonistes concerné·e·s par la situation d’intimidation sont encouragé·e·s à changer de posture (par ex. sortir de son rôle d’intimidateur/trice). Cette approche d’intervention requiert la constitution d’une équipe de professionnel·le·s spécifiquement formé·e·s au sein de l’établissement scolaire, investi·e·s dans la gestion des situations de harcèlement-intimidation.

Notons que la preuve n’est pas nécessaire pour intervenir. La MPP est une méthode facile à mettre en œuvre et peut être réalisée par l’ensemble des professionnel·le·s de l’école, une fois formé·e·s. Si cette approche ne vise prioritairement pas le blâme ou le jugement, elle n’exclut pas une sanction si nécessaire et en fonction de la gravité des actes commis et des preuves récoltées. Tout comme les entretiens, les sanctions se discutent en concertation avec équipe de professionnel·le·s [3].

Exemple vaudois : Le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture (DFJC) du canton de Vaud a déployé la méthode de la préoccupation partagée (MPP) dans la majorité des établissements scolaires du canton et observe une réelle efficacité du dispositif. Une conférence de presse a d’ailleurs eu lieu en avril 2021 pour faire un état des lieux [4]. La vidéo suivante (Harcèlement-intimidation entre élèves: méthode de la préoccupation partagée) propose un exemple de mise en œuvre de la MPP dans l’établissement de la Tour-de-Peilz. L'Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire (PSPS) qui propose la MPP dans le canton de Vaud a également établi un schéma résumant les principaux éléments et buts de l’approche [5] :

7.4 MPP Figure : La méthode de la préoccupation partagée (MPP) (adapté du schéma de l’Unité PSPS, 2021)

Pour plus d’informations:

Approche non-culpabilisante («No Blame Approach»)
La spécificité de l'approche non-culpabilisante est de ne pas punir le harcèlement-intimidation et de ne pas faire attribuer de faute par les élèves, ni à l’encontre de l’élève-cible (EC), ni à l’encontre des intimidateurs/trices présumé·e·s (IP). Le déroulement exact de l'incident et son historique ne sont pas reconstitués. Ainsi, les justifications des IP ne sont pas nécessaires. La solution à la situation de harcèlement-intimidation est au premier plan. Le «groupe de soutien» est également caractéristique de cette approche. Pour constituer ce groupe, l’EC choisit lui/elle-même des élèves pouvant contribuer activement à la résolution du problème. L'objectif de base est la prévention ou la résolution du harcèlement-intimidation ainsi que la promotion des compétences psychosociales des élèves.
Pour plus d’informations:
  • Blum, H. & Beck, D. (2010). No Blame Approach. Praxishandbuch. Köln.
  • Szaday, Ch. (2008). Mobbing-Interventionen mit dem «No Blame Support Group Approach». In: Drilling, M.; Steiner, O. & Davolio, M. E. (Hrsg.): Gewalt an Schulen. Forschungsergebnisse und Handlungskonzepte. Zürich, S. 184–195.
  • www.no-blame-approach.de
  • Offre de formation continue de l’Akademie für Lerncoaching: No Blame Approach: Mobbing-Interventionsansatz ohne Schuldzuweisung

Afin que de telles méthodes d’intervention puissent être implantées de façon réussie et durable dans une école, la direction d’établissement doit démontrer un fort engagement et une volonté pour asseoir la légitimité de la méthode envisagée. Une telle méthode doit également participer d’une vision plus globale de l’établissement, désignant le harcèlement-intimidation comme un phénomène non toléré. Cela demande une équipe de professionnel·le·s formé·e·s à l’intérieur de l’établissement (parmi les différents personnels de l’école) qui réfléchit et agit en collaboration. Parmi les professionnel·le·s, il convient de clarifier les rôles et de répartir les tâches entre différentes personnes ou différents groupes de travail (ex : évaluation des situations, coordination des intervention, interventions, accompagnement des élèves-cibles, …). Enfin, il est impératif de communiquer adéquatement aux élèves, aux parents ainsi qu’à tous les membres de l’école à propos de la méthode choisie, de son déroulement et de ses implications.

Exemple de lignes directrices à suivre en cas de suspicion de harcèlement-intimidation

1. Reconnaître / Détecter

Si vous remarquez des signes de harcèlement-intimidation ou si on vous les signale, vous devez d'abord déterminer s'il s'agit d'une situation de conflit (cf. définition au chapitre 8.1), d'un différend, d'un incident ponctuel ou de harcèlement-intimidation. Obtenez un retour d'information supplémentaire en faisant preuve d’attention et de vigilance.

2. Réagir

En cas de harcèlement-intimidation, les adultes doivent intervenir rapidement et aider les enfants et les jeunes concerné·e·s à sortir de la situation problématique et à prendre des mesures immédiates pour limiter les dégâts.

Une procédure d’intervention doit être entamée, idéalement en commençant par une discussion avec l’élève-cible (EC). Le consentement de l’EC doit être obtenu pour d'éventuelles mesures. Il est important que les décisions ne soient pas prises dans le dos de ce·tte dernier/ère, mais qu'une relation de confiance soit construite et maintenue.

Ensuite, des entretiens devraient avoir lieu avec les intimidateurs/trices présumé·e·s (IP) et les témoins et autres personnes concernées par la situation d’intimidation. La position de l’établissement doit être claire : le harcèlement-intimidation n’est pas toléré à l'école. Si l’établissement met en œuvre une approche déculpabilisante ou la MPP, les discussions menées avec les IP de devraient généralement ne pas déboucher sur un blâme ou une sanction dans un premier temps. Selon la gravité des faits et les preuves récoltées, des sanctions peuvent parfois être envisagées ensuite. Si nécessaire, les conséquences juridiques (voir l'encadré sur les infractions pénales possibles) et les limites d’action de l'école sont rappelées.

En outre, les élèves se voient offrir des possibilités de réflexion et de soutien afin de pouvoir faire évoluer leur comportement.

3. Suivi

Une fois les premières mesures prises et indépendamment de la méthode d’intervention envisagée, des discussions individuelles devraient à nouveau avoir lieu avec les personnes impliquées (EC, IP, témoins, etc.) afin de déterminer si l'intervention a été efficace et si la situation de harcèlement-intimidation a réellement pris fin. Si tel n’est pas le cas, d'autres mesures doivent être envisagées et/ou il peut être nécessaire de faire intervenir la police (voir également le chapitre 8.5).

Vous trouverez de plus amples informations sur l'intervention précoce au chapitre 6.

Infractions pénales possibles en cas de harcèlement-intimidation

Le harcèlement-intimidation ne constitue pas une infraction pénale en soi. Toutefois, certains actes sont interdits par la loi et peuvent être signalés. Les infractions pénales possibles et typiques qui peuvent être commises dans le cas de harcèlement-intimidation sont les suivantes :

  • Extorsion (Art. 156 du Code pénal)
  • Diffamation (Art. 173 du Code pénal)
  • Calomnie (Art. 174 du Code pénal)
  • Injure (Art. 177 du Code pénal)
  • Menaces (Art. 180 du Code pénal)
  • Contrainte (Art. 181 du Code pénal)
  • Vol (Art. 139 du Code pénal)

Il est impossible de répondre de manière générale à la question de savoir quand il est opportun d’appeler la police, mais la situation doit toujours être analysée et évaluée individuellement. Dans le cas de cyberintimidation, il existe d'autres infractions typiques (cf. chapitre 8.5).

 

1    Alsaker (2017)
2    Bureau d'information et de communication de l'Etat de Vaud (2021)
3    CEC André-Chavanne et SSEJ (2021)
4    Bureau d'information et de communication de l'Etat de Vaud (2021)
5    Unité PSPS (2021)